En pleine canicule, le Xbox Game Pass accueille aujourd’hui un nouveau jeu narratif bien singulier qui pourrait faire les beaux jours de Twitch et des soirées entre amis : As Dusk Falls.
Un titre qui rappelle d'emblée Detroit Become Human et les autres productions de Quantic Dream dans ses fondements et ça n’a rien d’étonnant. Le jeune studio INTERIOR/NIGHT est piloté par Caroline Marchal, ancienne vétéran qui a passé 11 années dans l’entreprise française avant de voler de ses propres ailes. Et si la forme est similaire, l’enrobage est clairement différent avec une direction artistique originale et marquée. As Dusk Falls s'inscrit davantage dans la lignée des romans interactifs que des jeux narratifs traditionnels. Est-ce suffisant pour renouveler le genre ? Voici notre avis sur la dernière exclusivité Microsoft, disponible sur le Xbox Game Pass.
Country roads, take me home
Ah la fameuse Route 66 ! Ses étendues désertiques à perte de vue, ses routes droites bordées de motels délabrés, ses paysages à couper le souffle… Le rêve pour certains, qui va virer au cauchemar pour les Walker, une gentille petite famille modèle américaine avec ses petites contrariétés composée du père, sa femme, leur fille et le grand-père. Alors qu’ils prennent la route pour changer de vie après quelques déconvenues professionnelles, leur destin va tragiquement basculer lorsqu’ils vont se retrouver dans un motel tranquille dans l’Arizona. Ils y feront la rencontre fatidique des frères Holt, les petites frappes locales poursuivies par le Shérif et sa clique après un cambriolage qui a mal tourné. Leur idée de génie pour s’en sortir : prendre ce lieu de repos et tous ses occupants en otage pour tenter de trouver une issue de secours. Mais rien ne va se passer comme prévu.
Une histoire classique donc, ponctuée par des personnages quelque peu clichés. La famille à problèmes, le gentil père de famille bienveillant, la mère célibataire gérante du motel, l’ancien vétéran un peu perdu mais pas méchant, et évidement le Sherif un peu trop louche. Qu’à cela ne tienne, As Dusk Falls promet d’emblée des répercussions sur plusieurs années avec une ouverture du jeu qui se concentre sur la petite Zoe devenue grande et traumatisée par les événements passés. On s’attend alors à des conséquences d’un tel traumatisme sur plusieurs années et à un sous-scénario poussé sur ce thème. D’autant que les présentations du jeu promettaient une histoire de destins entremêlés pendant plusieurs décennies. Et il est malheureusement très facile de rester sur sa faim puisque cette trame survendue repose finalement sur des indices très discrets dispersés dans les différentes branches narratives et sur certaines conséquences précises. Il est très facile de passer à côté. As Dusk Falls aurait mérité un troisième Livre (composés chacun de trois chapitres) plutôt que d’une telle fin ouverte, qui donne l’impression de s’arrêter abruptement au vue des promesses.
La destination peut décevoir, mais le voyage en revanche saura vous tenir en haleine telle une série dont on n’arrive plus à décrocher. Il faut dire que dans sa composition, As Dusk Falls ressemble beaucoup à un programme découpé en six épisodes d’environ une heure chacun. Le studio londonien n’a d’ailleurs pas hésité à s'inspirer de ténors du genre dont True Detective pour s'assurer qu’il y ait tous les ingrédients pour. On retrouve alors des personnages attachants et bien écrits, les relations plus intimes entre les différents acteurs et des personnalités sont prêtes à exploser à tout moment en cas de mauvais choix. La mort peut être au tournant, et dans toute sa première moitié As Dusk Falls ne nous laisse aucun répit, malgré quelques flashbacks qui viennent faire redescendre la pression. Certains alourdissent même la trame et sont parfois peu intéressants, notamment dans la seconde moitié clairement moins passionnante et beaucoup plus lente. Le contraste avec les débuts pique un peu trop et cette inégalité de rythme est décevante au possible.
Une pépite des jeux narratifs ?
Jeu narratif oblige, As Dusk Falls nous fera incarner plusieurs personnages à tour de rôle, principalement le gentil père de famille Vince et Jay, le cadet de la famille turbulente déconnecté du reste de son entourage. Des points de vues et des liens qui vont s’entremêler et évoluer selon nos décisions, comme on en a l’habitude. Cependant, le titre opte pour une structure assez différentes des ténors du genre. Vous devez sans doute visualiser quelque chose proche de The Walking Dead de Telltale ou encore Life is Strange, mais il n’en est rien. Le premier jeu d’INTERIOR/NIGHT a fait le parti pris d’être complètement une série interactive. Vous ne contrôlez pas les personnages, ils ne se déplacent pas et il n’y a aucune phase d’exploration.
Le genre brille rarement par son gameplay, et ce n’est clairement pas le fort de As Dusk Falls, qui ne se résume alors qu’à des choix et des QTE très accessibles, surtout pour les joueurs plus casuals. Pas besoin de savoir où se cache tel bouton de la manette, ça peut être n’importe lequel. L’une des petites originalités, c’est qu’un nouveau choix de dialogue peut se révéler si le personnage garde la tête froide et attend quelques secondes avant de répondre. Et l’air de rien ça rajoute pas mal de dynamisme au tout. Le gameplay est donc réduit à son minimum ce n’est pas plus mal, car le titre ne se concentre que sur l’essentiel : l’histoire, la narration et les personnages. Résultat, As Dusk Falls a un rythme plus vif que d’autres productions similaires, du moins dans la première partie. Il est impossible de décrocher du huis clos des premiers chapitres tant ils sont haletants et atteignent un niveau de tension assez rare dans un jeu narratif. On ne s’ennuie pas une seule seconde. Le tout est soutenu par des choix vraiment cornéliens, aux conséquences parfois fatales et inattendues. C’est aussi sur ce point qu'il était attendu au tournant et il n’a pas déçu.
Malgré quelques maladresses, le titre offre énormément de répercussions directes ou non, aussi bien au niveau des dialogues que des QTE ratés. Les embranchements sont nombreux et si le jeu parvient toujours à vous amener là où il veut, il respecte toujours vos décisions pour que vous n’y voyez que du feu lors de votre première partie. On a souvent du mal à savoir où tous ces choix vont nous amener et c’est là toute la force du récit. Loin du manichéisme habituel, il est souvent difficile de cerner pleinement un personnage d’emblée et de prévoir ses réactions. Une petite dose de stress supplémentaire bien sentie dans certaines scènes. Comme Detroit : Become Human, As Dusk Falls permet de vérifier les embranchements empruntés à la fin de chaque chapitre via un arbre narratif très propre et clair qui montre quels autres chemins auraient pu être empruntés. D’ailleurs elle s’accompagne d’une évaluation de votre personnalité en fonction des décisions prises (valeurs, traits de caractère, styles de jeu).
Une direction artistique marquante
Après avoir refait quelques parties et rejoué plusieurs fois certaines scènes spécifiques, on peut vous assurer que les variations sont assez prenantes pour vous donner envie d’en relancer quelques-unes. Cependant peu importe le chemin, la structure du jeu tire la langue dès le Livre 2, beaucoup trop faible et ennuyeux par rapport aux débuts prenants. D’autant plus si on parvient à sauver les personnages importants. Les enjeux n’arrivent pas à atteindre ceux des premiers chapitres, les thèmes présentés sont effleurés et la narration moins marquante et poignante. Cette inégalité flagrante entre les deux parties a de quoi laisser pantois. D’autant qu’il est facile de s’en tirer à bon compte sans perdre un seul personnage. Finalement As Dusk Falls n’est pas aussi impactant émotionnellement que d’autres productions, malgré quelques scènes poignantes, mais il est facile de passer à côté.
Ce qui risque de perturber la majorité en revanche c’est le style visuel d’As Dusk Falls. Véritable OVNI dans sa direction artistique, le jeu a fait le parti pris de n’avoir aucune animation ou aucune synchro labiale. Plus proche d’un visual novel interactif, le titre se compose alors de successions d’images plus ou moins fixes qui s’enchaînent en fondu. Un joli mélange d’illustrations peintes à la main en 2D et 3D détonnant qui met avant tout l’accent sur les expressions et les émotions. Un procédé qui perturbe les premières minutes mais qui s’oublie très rapidement tant le travail des acteurs est exceptionnel en VO. Et pour une fois, la VF n’a pas à rougir ! Sans langage corporel, sans animations faciales, les interprètes arrivent à donner vie à leur personnage et à transmettre leurs émotions. Cette direction artistique est une belle réussite et confère une ambiance unique au jeu. Cependant il est clair qu’elle divisera, surtout auprès d’un public habitué à un autre type de présentation. Le tout s’accompagne de quelques musiques bien senties qui ajoutent une petite dose de dynamisme dans certaines scènes clé.
Cerise sur le gateau, As Dusk Falls fait la part belle au multijoueur comme les dernières productions de Supermassive Games ou Hidden Agenda en son temps. Jusqu’à 8 personnes peuvent se réunir sur un même écran via une application mobile en local ou tout simplement en ligne pour jouer ensemble. Ici, les choix de dialogue et actions sont les mêmes qu’en solo, mais il convient de voter pour prendre une décision sachant que chaque joueur a un véto spécial à utiliser à tout moment s’il n’est pas d’accord avec le reste du groupe. Parfait pour des soirées films interactives entre amis. Bonus pour les streameurs, le titre intègre un mode pensé pour Twitch qui permet au chat de participer aux choix.